- Bastien
- 11/07/2022
- Focus espèce
Photographier le blaireau n’est pas une mince affaire… Mes premières véritables recherches et tentatives avaient commencé en 2020. Faute de connaissances suffisantes sur l’espèce et le territoire, mais aussi d’un matériel non adapté, ma quête n’a été que peu fructueuse. Après beaucoup de temps passé et de recherches sur le terrain, j’ai fini par réussir mon objectif de photographier celui que nous aimons surnommer le petit ours de nos forêts !
Photographier le blaireau représente un véritable défi et il est primordial de l’appréhender avec le maximum de connaissances biologiques et techniques possibles. À travers cet article nous allons essayer de vous partager quelques conseils, qui nous l’espérons vous seront utiles, pour photographier le blaireau !
Connaître le blaireau pour mieux le comprendre
Le blaireau est une espèce aux mœurs nocturnes que nous retrouvons principalement en milieu forestier. Il s’abrite sous terre dans des terriers, parfois vieux de plus d’un siècle et agrandis au fil des générations. Ce réseau de galerie, appelé blaireautière, peut alors atteindre une très grande superficie.
Comme la majorité des espèces animales, l’activité du blaireau est rythmée par les naissances et l’élevage des jeunes. La naissance des blaireautins a lieu entre janvier et février, avec un à cinq petits par portée. Leur sevrage a lieu au bout de trois mois. Vers le mois de mai l’activité du blaireau s’intensifie lors du nourrissage des jeunes et de leurs premières sorties. Les jeunes demeurent avec leur mère et en dépendent jusqu’à l’issue du premier hiver.
Les blaireaux sont très sociables et vivent en « clan » dont le nombre de blaireaux varie de cinq à huit individus, sans compter les petits de l’année. Il peut y avoir ainsi plusieurs portées dans une même blaireautière.
Plusieurs blaireaux autour d’une blaireautière
Les blaireaux sont très routiniers ! Ils sortent quasiment toujours à la même heure, suivent toujours le même itinéraire, font leurs besoins au même endroit, etc. Le blaireau se nourrit d’un peu de tout : il est friand de vers de terre, d’insectes, de fruits, de bulbes voire même de micromammifères comme les campagnols.
Ses atouts
- Excellent odorat ;
- zOuïe développée ;
- Excellent architecte !
Ses handicaps
- STrès mauvaise vue !
Trouver une blaireautière
Quand prospecter ?
La première grande étape pour photographier le blaireau est de trouver une blaireautière. Je réalise cet exercice en hiver, généralement pendant les mois de janvier et de février.
Pour quelles raisons ? Tout d’abord, à cette période la végétation est peu développée ce qui aide fortement la prospection et permet d’éviter de passer à côté d’une blaireautière cachée par quelques arbustes ou ronciers. La seconde raison, est qu’il s’agit de la période un peu creuse en photographie animalière qu’il est possible de combler en prospectant et en préparant la belle saison.
Quels milieux prospecter ?
Le blaireau est une espèce quasi exclusivement forestière, il est possible de trouver des blaireautières en prairie (notamment en estive) mais les cas sont assez rares. Il est donc préférable de prospecter en forêt. Toutefois, j’ai remarqué, que les blaireaux apprécient avoir des prairies à proximité, elles représentent certainement une source de nourriture pour eux.
Pour faciliter la construction et l’entretien des galeries, le blaireau privilégiera les zones pentues ou les talus. J’ai constaté que les blaireautières sont très souvent situées en haut de vallée, j’imagine pour éviter, entre autres, toute inondation des galeries.
Des prospections plus fructueuses que d’autres…
Les chances de trouver une blaireautière sont variables suivant les régions, l’environnement et la pression exercée sur l’espèce… Les régions les plus préservées de l’Homme sont plus fréquentées par le blaireau.
Pour exemple, nous habitions dans le Nord de la France il y a encore deux ans, aux portes de grandes villes. J’avais consacré quasiment tout mon hiver 2019-2020 à la recherche de blaireautières. Malgré de nombreux jours de recherche mon bilan était bien maigre : une seule blaireautière trouvée. Hiver 2021, nous habitons dorénavant en Haute Corrèze, je décide de réitérer ma quête. Le bilan de l’exercice est tout autre : en quatre sessions de prospections, je trouve six blaireautières occupées !
Vous l’aurez compris, selon votre situation géographique il sera plus ou moins aisé de trouver une blaireautière.
Quels sont les indices de présence ?
Les indices de présence sont vraiment l’élément clé qui vous mènera sur les pistes de la blaireautière ! Plusieurs indices peuvent être relevés :
Les poils, que nous trouvons généralement sur les barbelés de clôture. Ils sont très épais et rigides, de couleur noire et blanche.
Les coulées, le blaireau est un animal très routinier, il utilise constamment le même chemin, tassant ainsi la végétation ou les feuilles.
Les empreintes, qui montrent quatre doigts (le cinquième doigt marque généralement peu ou pas du tout) et un grand coussinet plantaire distinct et atypique de l’espèce.
Les excréments, le blaireau a pour habitude de déféquer dans un petit trou qu’il aura creuser au préalable, appelés communément des « pots à crotte ». Ces latrines peuvent être très proches du terrier ou plus éloignées permettant de marquer les limites de leur territoire. Qui pensait que le blaireau n’était pas un animal soigneux ?
La combinaison de ces indices vous permettra assez facilement de trouver la blaireautière. Pour ma part, je procède de cette façon : une fois avoir trouvé des empreintes, des poils ou des pots à crotte, je suis tout simplement la coulée qui m’amène directement sur la blaireautière !
En résumé, pour trouver une blaireautière :
- RPrivilégier les milieux forestiers, avec si possible des zones de pâturage à proximité,
- RProspecter les talus, les endroits pentus,
- RDélaissez les fonds de vallée, privilégiez les parties supérieures des vallées, monts,
- RTrouver des indices de présence,
- RSuivez les coulées !
Entrées de blaireautières utilisées
Entrées de blaireautières non utilisées
Attention, les blaireaux peuvent former des terriers dits « secondaires » constitués de deux ou trois entrées et donc bien plus petits que les terriers principaux colonisés par le clan. Je ne m’attarde pas sur ces terriers « secondaires » car les interactions sociales avant la nuit y seront quasi inexistantes. Les chances d’obtenir un cliché sont donc très minces.
Le piège photo, une sérieuse aide
Une fois que vous avez trouvé une blaireautière il ne vous reste plus qu’à attester son occupation par une famille de blaireaux et connaître leurs habitudes. Pour cela, utilisez les célèbres pièges photos.
Je procède à cette étape courant mars, voire avril, afin de vérifier la présence de plusieurs adultes (et donc d’un couple) et ainsi espérer voir des blaireautins dès le mois de mai. Personnellement je ne pose pas mes pièges avant la fermeture de la chasse (dernier week end de février) pour limiter le risque de vol et éveiller de mauvaises intentions sur les blaireaux.
Placez le piège photo en journée et évitez de rester trop longtemps à proximité de la blaireautière afin de limiter le dérangement. Préparez l’installation au-préalable, pour qu’une fois arrivé à la blaireautière, vous n’ayez qu’à fixer le piège photo. Placez le matériel de manière à avoir une vue la plus large possible sur la blaireautière, ainsi, vous saurez qu’elle est l’entrée la plus utilisée.
Piège photo installé
Laissez le piège photo plusieurs jours (trois à sept jours pour ma part), vous pourrez ainsi avoir des données assez fidèles sur les habitudes des blaireaux. L’autre avantage du piège photo c’est qu’il vous permettra de définir l’heure de sortie des blaireaux et ainsi vous préparez le jour de l’affût de la meilleure des manières. Il est difficile de se passer d’une aide aussi précieuse que celle apportée par cet équipement. Il vous permettra de récolter des données utiles pour la prochaine étape. De plus, la relève du piège photo fait partie des moments vraiment excitants et décisifs de la quête !
Si vous souhaitez acquérir un piège photo sans vous ruiner et si vous êtes un peu perdus quant à la panoplie de produits possibles, je vous conseille le piège photo Victure HC 300 (disponible chez de nombreux vendeurs). Il s’agit du modèle que j’utilise, il fait très bien l’affaire pour mon usage. Je ne souhaite pas sortir de clichés avec mais il me permet facilement d’attester l’occupation de terrier grâce à des photos et vidéos de qualité suffisante. Je le trouve idéal pour cet usage, pratique et peu cher. Les pièges photos à LED noires sont quasi invisibles la nuit et limitent donc le dérangement des animaux. Si vous le trouvez trop vulnérable au vandalisme et aux intempéries, vous pouvez toujours confectionner une petite armature. De mon côté, nous l’avons fabriqué sur mesure mais il existe des modèles à la vente (faire attention à la compatibilité avec le piège photo).
Photographier le blaireau
Préparer la zone d’affût
Une fois que vous connaissez les habitudes des blaireaux (identification de la gueule principale et de l’heure de sortie du terrier), vous avez les éléments pour réussir vos sessions d’affût !
Avant de débuter les affûts je me prévois toujours une demi-journée de préparation de la zone où je compte affuter. Ainsi je prépare le terrain en retirant les branches ou les quelques ronces qui pourraient gêner ou rendre bruyant mon arrivée et mon installation.
Il est important de ne pas placer votre affût sur une coulée ! Cela vous évitera un face à face et un dérangement à coup sûr ! Positionnez vous plutôt contre un arbre, une souche, un roncier pour casser votre silhouette et vous rendre invisible pour le blaireau.
Place à l’attente !
Une fois que votre zone d’affût est prête, vous pourrez commencer les sessions ! Généralement, je débute la saison d’affût aux blaireaux vers la fin du mois d’avril. Si les températures le permettent je réalise encore quelques sessions jusqu’à la fin du mois d’août. Le mois de juin est vraiment la période la plus propice : les jours sont les plus longs de l’année et l’activité des blaireaux est à son apogée.
Selon moi, il est préférable d’arriver sur site au moins deux heures avant la sortie des blaireaux ! Votre arrivée sur le site sera très certainement entendue par les blaireaux par les vibrations que vous émettrez en marchant mais il est important d’être le plus discret possible, votre arrivée conditionnera la réussite de l’affût !
Ne ratez pas une soirée qui succède un épisode pluvieux ! En période de sécheresse, ces soirées sont particulièrement attendues par les blaireaux qui sortiront un peu plus tôt de leur terrier ! Le terrain humidifié par la pluie sera plus meuble permettant alors aux blaireaux de creuser plus facilement à la recherche de nourriture. Les vers de terre, remontent en surface par inondation de leurs galeries, une friandise à portée de griffe pour nos amis !
Une fois les blaireaux sortis de leur terrier, ils respecteront un moment d’interactions sociales. Ils se dépouilleront, se gratteront, joueront ensemble. C’est le moment de concrétiser votre quête en le photographiant ! Ces instants magiques dureront quelques minutes avant de s’éparpiller et de partir chasser.
Pour ne pas les déranger et conserver vos chances de les photographier, quittez votre zone d’affût uniquement lorsque tous les individus se seront éparpillés.
Le saviez vous ?
Il est fréquent que le blaireau partage son terrier avec le renard. Il m’est ainsi déjà arrivé de pouvoir photographier ces deux espèces pendant la même session d’affût !
Surprise !
Quel matériel choisir ?
Pour photographier le blaireau il vous faudra vous munir d’un matériel adapté aux mœurs du blaireau, c’est-à-dire aux conditions peu lumineuses et de quoi vous rendre discrets :
- RUn boitier qui accepte assez bien la montée en ISO ;
- RUn objectif à grande ouverture capable d’emmagasiner le maximum de lumière ;
- RUn trépied pour éviter le flou de bougé, vu le caractère crépusculaire voire nocturne de l’animal vous devrez composer avec des vitesses plutôt faibles même avec un boitier et un objectif appropriés à ces conditions difficiles ;
- RUne housse anti-bruit ou tout autre équipement capable de masquer le bruit du déclenchement de l’appareil photo ;
- RUne tenue de camouflage type ghillie ou un filet, nul besoin de trimballer la tente d’affût, le blaireau a une très mauvaise vue.
Côté réglages : privilégiez le mode priorité à l’ouverture. Ainsi vous pourrez régler :
– Les ISO : lors de la sortie des blaireaux, je suis généralement entre 2500 et 3200 ISO ;
– L’ouverture : j’ouvre alors au maximum le diaphragme de mon objectif afin de laisser le maximum de lumière entrer pour pallier aux conditions peu lumineuses ;
– Je sous-expose légèrement mes photos, de l’ordre de -0,3 ou -0,7. Cela me permet de mieux retranscrire l’ambiance nocturne de la vie du blaireau et de gagner un peu de vitesse de déclenchement.
Si ces termes vous paraissent compliqués, nous vous invitons à consulter notre article sur les réglages.
Quelques précautions pour réussir son affût
Attention, même si le blaireau dispose d’une très mauvaise vue, il saura déployer ses autres sens, en particulier aux abords de leur maison !
Pour que votre affût réussisse il est important de minimiser au maximum les bruits lors de la sortie des blaireaux hors du terrier. Lors des premières minutes, ils seront particulièrement vigilants et ne manqueront pas de s’abriter s’ils soupçonnent votre présence. La tête à l’entrée du terrier, ils flaireront quelques instants pour s’assurer de l’absence de danger.
De fait, n’utilisez pas de filet de camouflage plastifié et oubliez les vêtements qui font du bruit au moindre mouvement…
Veillez aussi à ne pas vous faire éventer, placez-vous à bon vent ou réalisez vos affûts en considérant au préalable le sens et la force du vent. Météociel est le site internet que j’utilise en permanence pour guider mes sorties photos ! J’ai la chance de vivre dans un environnement où le blaireau est bien présent. J’ai ainsi plusieurs blaireautières sous le coude avec une zone d’affût établie pour chacune d’entre elles. Ses zones d’affûts sont orientées différemment par rapport à la blaireautière. Ainsi, si un jour le vent va d’est en ouest, je vais affuter à la blaireautière ou ma zone d’affût est située à l’ouest du terrier.
Blaireau reniflant à sa sortie du terrier
Pour clôturer cet article, un peu d’injustice
En prenant le temps de connaître le blaireau, ses habitudes, son environnement, en prenant les précautions nécessaires, vous devriez avoir la possibilité de l’observer et de le photographier. Vous tomberez alors sans aucun doute sous son charme.
Malgré l’attachement populaire à cette espèce, le blaireau est encore persécuté par une minorité d’humains. Le déterrage, malgré sa pratique barbare et archaïque est encore monnaie courante en France. Son classement national est une aberration ; même s’il n’est pas classé en tant que « nuisible », l’espèce est classée en tant que « gibier ». En réalité, le blaireau se trouve sur cette liste uniquement pour donner une raison légale à sa chasse et pour satisfaire certains lobbies…
Le blaireau est accusé en France d’être porteur de la tuberculose bovine alors que moins de 5% des individus sont porteurs de cette maladie. Le sanglier, est quant à lui bien plus à même de véhiculer la tuberculose… Les dégâts sur les cultures sont réels mais restent très marginaux.
Nos voisins belges, hollandais, allemands, luxembourgeois, espagnols, italiens ou encore anglais ont quant à eux inscrits le blaireau comme une espèce à protéger…
Si vous souhaitez soutenir le blaireau, une pétition est actuellement en ligne jusqu’au 30 septembre demandant une interdiction du déterrage. Pour cela, rendez-vous ici.
Salut Bastien,
J’espère que vs allez bien.
Superbes reportages-infos sur le blaireau.
Bonne fête à Camille.
Portez-vous bien.
Cordialement.
Jean-Pierre
Salut Jean-Pierre ! Et bah dis donc à peine notre article en ligne tu l’as déjà découvert ?! Encore une fois merci pour ton commentaire, ca nous fait plaisir ! J’espère que tu te régales en ce moment niveau photo même si le temps est un peu compliqué… Camille te remercie bien ! Au plaisir. Amitiés.
Et ben, quelle mine de renseignements ! Il ne me reste plus qu’à trouver une forêt 😂😂
Merci pour tout ces détails, les photos sont tous et les vidéos de comportement super intéressantes.
Bravo pour l’article !
Ahah c’est vrai que j’ai oublié de mentionner le critère n°1 de recherche: avoir une forêt à côté de chez soit ^^ La prochaine fois que tu viens en Corrèze je te présenterai avec grand plaisir la petite compagnie que j’ai suivi cette année 🙂 Merci pour ton passage Séb ! Au plaisir à Toulouse, en Corrèze ou ailleurs 😀
Reportage très instructif . J’espère pouvoir m’en servir vous savez où et peut être ensemble 😉
Merci M’sieur 😉 Ca serait un grand plaisir de faire connaissance avec les blaireaux du Minervois 🙂 Un été où la température sera plus fraiche, en attendant vous savez comment connaître leurs habitudes et préparer un éventuel futur affût ! 😉
merci pour ce bel article super documenté !
En attendant d’avoir le plaisir de vous rencontrer passez un bel été photographique
ValeCyr
Bonjour à vous deux 🙂 ! Merci pour ce commentaire bien sympa 🙂 Je pense que nous devrions nous rencontrer très prochainement non ? A Saint Etienne aux Clos 😉 A ce week end !
Il n’y a peut être pas de blaireautiere dans le Nord mais il y a qd même de vieux blaireaux !
Sinon merci d avoir partagé vos connaissances sur la vie du blaireau Corrézien
Au plaisir de vous les faire découvrir Mme Prévost 😉
Bonjour Bastien. Super article complet. J’ai eu la chance de voir quelques “petits ours” pas loin d’ici 😉 et j’essaierai de suivre tous tes conseils. Bises
C’est gentil d’avoir laissé un petit commentaire Patty ! Ton ex-voisin m’avais en effet parlé des blaireaux du village 😉 J’espère pouvoir voir passer sur les réseaux sociaux les petits ours de chez toi ! J’espère que tout roule pour toi depuis le temps ! Biz